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© André Kozimor |
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Margo TAMEZ
Poète apache
Les Indiens d’Amérique luttent contre le terrorisme depuis 1492. Margo Tamez lutte contre le mur du Mexique depuis des années. Tout à coup, Donald Trump arrive, chaussé de gargantuesques pneus Dodge Ram, et le terrorisme d’État civilisé, bien éduqué mais camouflé, devient un terrorisme d’État cynique et provocateur, libéré devant les lâchetés du monde. Les démocraties mondiales tremblent, car la « première démocratie du monde » est en passe de réaliser ce que certaines rêvaient de faire mais sans oser sauter le pas. Netanyahou reprend du poil de la bête colonisatrice, Poutine jubile d’avoir encore plus raison qu’avant, et seul manque Hitler dans ce concert de forces qui écrasent tout ce qui réfléchit. Les citoyens de la « première démocratie du monde », nourris au biberon des valeurs humanistes, découvrent avec stupeur qu’on érige maintenant des murs entre eux, pas seulement entre les émigrés de longue date (blancs et anglos) et les émigrés de fraîche date, pas seulement entre les musulmans et les non-musulmans. Et, bousculés dans la fatigue de leur confort, révoltés, « indignés », ô combien indignés pour la première fois de leur vie, ils sont désormais contraints de se réveiller — de devenir « smart », mais pas dans le sens où voudrait l’entendre leur nouveau président — et de résister. Comme Margo Tamez, qui, elle, n’a pas attendu Trump pour entrer en résistance. Margo Tamez, en effet, n’a jamais connu le privilège du confort des conquérants, elle pour qui l’éveil a toujours constitué une seconde nature. Mais peut-être qu’elle se verra bientôt gratifiée, elle aussi, de l’étiquette d’« émigrée » sur un continent qui a vu la naissance de ses ancêtres — et leur extermination.
André Kozimor
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